samedi 15 janvier 2011

De la cuisson


Dans un blog précédent, j'ai écrit que la cuisine est un ensemble de processus,considérons que la cuisson est une des processus disponibles nous permettant de transformer des aliments.

Selon le Larousse ‘cuire’ se définit comme ‘rendre un aliment propre à la consommation en le soumettant à l’action de la chaleur’ 

Cette phrase est intéressante car il y a comme constante que seule la chaleur peut cuire des aliments. Plusieurs concepts me viennent à l’esprit en relisant cette phrase.

Cette phrase sous-entend que seule la chaleur permet la cuisson, ce qui est incorrect. (Je vous démontrerais plus loin qu’il y a d’autres types de cuisson, qui n’impliquent pas de chaleur.)
Mais que fait la chaleur alors ? Chimiquement parlant, l’application de  chaleur à certaines substances déclenche une réaction qui transforme la nature physique ou la composition de cette substance en une autre, ou alors accélère le processus qui ne se ferait que très lentement à la température ambiante.

Prenons une substance qui est un des piliers de notre cuisine, et qui nous réserve bien des surprises, à savoir note humble blanc d’œuf. 

Tout le monde sait – enfin, je l’espère- que si le blanc est chauffé, il passe d’un état quasi liquide et transparent a un état solide et opaque.

Que s’est-il passé ?
Le blanc de l’œuf est composé en grande partie d’eau et de quelques pourcents de protéines. Ces protéines, dans leur état initial ressemblent à des pelotes microsocopiques. Je vous épargne les détails scientifiques, sachez simplement que la chaleur a pour effet de quasi ‘dérouler’ cette  pelote et à en faire une forme de long filament. Ces filaments ont la faculté de s’attacher ensemble, et de former une sorte de filet de pèche microscopique qui emprisonnera l’eau, et nous donnera notre célèbre blanc d’œuf dur. Ce processus s’appelle ’dénaturation des protéines’ et est un des grands piliers des processus de la cuisine.

Cependant, la dénaturation n’est pas exclusivement obtenue par l’action de la chaleur, il est possible d’obtenir des résultats quasi identiques sans utiliser la chaleur mais en ajoutant avec d’autres substances, à savoir de l’acide, de l’alcool, de l’acétone,…

J’imagine en écrivant ceci les visages horrifiés des lecteurs s’imaginant des substances verdâtres et fumantes dans un  laboratoire digne d'un film de Frankenstein…

Bon, oubliez l’acétone dans la cuisine, a part faire l’expérience de l’œuf dur instantané, cela n’a aucun intérêt culinaire (et de grâce ne le goutez pas !!!). Par contre il existe quantité d’autres recettes de cuisine basées sur ces principes et substances.

Prenons la cuisson à la tahitienne, avec ses variantes telles que Ceviche ou Escabeche, qui consistent à « cuire » du poisson ou des fruits de mer en les marinant plusieurs heures dans du jus de citron, qui est très acide.  Nous connaissons également les harengs saurs, cuits à froid et conservés dans du vinaigre, également acide. Tout compte fait, la technique culinaire de dénaturation des protéines par un acide est bien connue depuis des siècles !

Je mentionnais dans un blog précédent qu’il était de bon ton d’éviter d’empoisonner ses convives. La chaleur a un effet stérilisant que le jus de citron ne possède pas, donc les divers microbes et parasites potentiels ne seront pas systématiquement détruits par ce type de préparation. La consommation de « ceviche », un plat de poisson cuit au jus de citron cru, est suspectée d’avoir influencé une épidémie de choléra dans les années 1990 en Amérique du sud.

Moralité, assurez vous toujours de la fraîcheur de votre poisson et des crustacés !!

L’alcool…. Soit un bon petit verre, soit un grand bocal dans le laboratoire, avec diverses créatures préservées dedans. Même phénomène !!! (Cependant je vous recommande ne pas cuire à l’alcool pur dénaturé… Cela n’a pas bon gout, et est hautement inflammable.)

Lors d’un séjour aux USA durant la période des fêtes j’ai eu l’occasion de manger un jambon extraordinaire. Lorsque j’ai demandé comment il a été cuit, mes amis m’ont expliqué que la « cuisson » nécessitait trois jours, une bouteille de Jack Daniels et une seringue mais aucune source de chaleur. L’alcool du whisky faisait tout doucement la cuisson des protéines.

Revenons en a la chaleur. 

Toute transformation d'une substance en une autre est une réaction chimique. Toute transformation de l'état d'une substance en un autre état est une réaction physique (par exemple la transformation de l'eau en glacon).

Certaines réactions chimiques nécessitent une quantité d'énergie fourie sous forme de chaleur pour pouvoir se réaliser. Par exemple, mettre une alumette sous une feuille de papier va donner l'energie nécessaire au démarrage du processus de combustion, qui va transformer la cellulose du papier en cendres, gaz carbonique et vapeur d'eau.

La cuisson à la chaleur suit les mêmes principes, et la température utilisée va donner divers résultats:
A 100°, température d'ébullition de l'eau, la chaleur va dénaturer et coaguler les protéines, et faire exploser les cellules des aliments, les rendants plus mous et digestes. Une pomme de terre crue est difficile à manger et digérer, par contre réduite en purée elle est délicieuse.

Une des constantes physiques de notre univers est que chaque substance a une température de fusion et d'ébullition fixe (a pression atmosphérique normale): quelque soit la quantité de chaleur fournie, l'eau d'une casserole en ébulllition sera toujours à 100° (par contre la vapeur peut être beaucoup plus chaude)

L'huile va bouillir à une température plus élevée, et dans leur cas on parle plutot de "point de fumée", a savoir a quelle températur l'huile commence à fumer et est susceptible de s'enflamer spontanément, de 160° à 260 ° selon le type d'huile (regardez http://fr.wikipedia.org/wiki/Point_de_fumée)

Cuire des aliments tels la viance au delà de 150° permet un autre type de transformation, connus sous le nom de Réaction de Maillard, qui est un des pricipes les plus importants en cuisine (http://fr.wikipedia.org/wiki/Réaction_de_Maillard). Cette réaction fait que le filet de poulet devient doré, que le steak prend une belle couleur et donne ce gout caractéristique. C'est la même réaction qui donne le gout typique au pain et aux biscuits. Il y a un ensemble de réactions qui changent la composition des aliments et créent de nouvelles substances avec un gout différent.

Donc, en résumé, vers 100° nous pouvons obtenir une dénaturation des protéines, une coagulation, et l'attendrissement des aliments dus à la destruction des parois des cellules. A température plus élevée, entre 150° et 250°, nous allons provoquer une transformation des substances des aliments.
En cuisine, des températures plus élevées ne sont plus utiles, car a partir de 450° nous ontiendrons une pyrolyse, la destruction par combustion. (chérie, qu'est ce qui brûle ce soir ??) Les fours auto nettoyants utilisent ce principe pour détruire toutes les saletés collées aux parois du four.

 Ceci dit, le célèbre chef Heston Blumenthal a mesuré la température des fours à pizza napolitains et a découvert qu'ils étaient à plus de 450°. Il a voulu reproduire la même chose dans sa cuisine en cuisant une pizza dans le four en mode pyrolyse. Ca a très bien marché, hormis un petit détail: par mesure de sécurité, le programme pyrolyse du four verrouille les portes jusqu'a refroidissement... Il a vu sa pizza parfaite se carboniser sans pouvoir intervenir....


Revenons en à l'eau.

Beaucoup des aliments que nous achetons ont été surgelés à un certain moment. Rien de mal à cela, la surgélation est une des meilleures manières de conserver des denrées alimentaires. Cependant, la surgelation a un effet sur les aliments. L'eau sous forme de glace est plus volumineuse que sous forme liquide (voila pourquoi les glacons flottent!). La conséquence est que l'eau contenue dans les cellules va gonfler, et déchirer les parois des cellules. En dégelant, vous constaterez que votre morceau de viande ou de poisson va naturellement dégorger une certaine quantité d'eau.

Si vous mettez votre viande ou poisson a ce moment dans une poèle, que va-t-il se passer? Sous l'effet de la chaleur la viande va se contracter, et comme un éponge que l'on écrase, dégorgera plus d'eau encore qui va couler dans votre poêle, et bouillir.

Bouillir, oui mais à 100°c constants!!! Une des constantes physiques et que l'eau 'liquide' a pression atmosphérique normale ne bout pas à plus de 100° (par contre la vapeur peut devenir beaucoup plus chaude)

Donc, température insuffisante pour la réaction de Maillard, avec comme résultat un morceau de viande dur comme une semelle (car l'eau est partie), sans coloration et sans goût.

Que faire alors? 
  • Egouttez soigneusement les aliments, pressez les dans du papier de cuisine pour extraire l'eau
  • Tout d'abord, lorsque vous utilisez une poele, assurez vous qu'elle d'abord de taille suffisante pour la quantité d'aliments à cuire, que cette poele soit TRES chaude et ait suffisamment de matière grasse (si trop d'ingrédients sont brutalement ajoutés, la poele va refroidir)
  • Utilsez de l'huile d'olive qui chauffera à plus haute température que d'autres huiles ou beurre 
  • Assuez vous que la viande ou le poisson que vous achetez n'a pas été préalablement surgelé (ce qui n'est pas toujours clairement indiqué) car dans ce cas les cellules ont déjà été déchirées par les cristaux de glace.

Ceci dit, voici ce que je considère comme une petite hérésie: les légumes surgelés pour wok.
La cuisson au wok est très rapide et à très haute température, et les légumes gardent leur croquant. Le fait de mettre des légumes surgelés directement dans un wok aura comme résultat quelque chose qui ressemblera plus à de la soupe qu'un plat asiatique.

Pour les plus mordus, Hervé This a indentifié dans ses travaux douze grandes techniques de cuisson, qui combinées ensemble donnent 144 manières de cuire les aliments., je vous invite à lire quelques articles intéressants.

http://www.la-cuisine-collective.fr/dossier/this/articles.asp?id=2

http://www.amabilia.com/contenu/bienmanger/carte_blanche_herve_this_11.html



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