dimanche 31 juillet 2011

Et si tout cela n'était qu'un gros gras mensonge - Gary Taubes

Il m'arrive fréquemment de faire référence aux articles et ouvrages de Gary Taubes, journaliste au New York Times, malheureusement ses articles n'ont pas été traduits en francais.

Gary est l'auteur de plusieurs ouvrages assez détonnants, tels "Why we get fat, and what to do about it" (Pourquoi nous sommes gros, et que peut on y faire), "Good calories, bad calories" (Bonnes calories, mauvaises calories)

L'article ci dessous, intitulé What if It's All Been a Big Fat Lie est disponible sur
http://www.nytimes.com/2002/07/07/magazine/what-if-it-s-all-been-a-big-fat-lie.html?src=pm

Gary Taubes a écrit plusieurs articles sur les comportements inadéquats d'un certain monde scientifique et a commencé en 2002 à analyser l'industrie alimentaire et le monde médical. Cet article est le premier d'une longue série, et j'en ai fait une traduction rapide, afin de partager le point de vue de Gary Taubes avec le monde francophone. La traduction n'est pas dans un des meilleurs francais, j'ai en effet voulu conserver au texte le plus de son originalité sans en changer le sens, ce qui est difficile avec certaines expressions intraduisibles.

Vous pouvez consulter le blog de Gary ici:

http://www.garytaubes.com/blog/

En anglais, le terme 'carbs' ou 'carbohydrates' se traduit par 'hydrates de carbone' ou 'glucides', et est un terme générique reprendant les sucres, les féculents et les amidons sous toutes leurs formes.

Bonne lecture


Que faire si tout cela n'était qu'un gros et gras un mensonge ?
Par Gary Taubes
Publié: Juillet 07, 2002, New York Times

Si les membres de l'establishment médical américain devait avoir un cauchemar collectif du genre se retrouver tout nu au centre de times square cela devrait ressembler a ceci. Ils passent 30 années à ridiculiser Robert Atkins, auteur du régime best-seller phénoménal  ''Dr. Atkins Diet Revolution'' et '' Dr. Atkins' New Diet Revolution,''accusant le médecin de Manhattan de charlatanisme et de fraude, pour après prendre conscience qu’Atkins avait raison depuis le début. Ou c'est peut-être cela: ils constatent que leur propre recommandations diététiques - manger moins de gras et plus de glucides - sont la cause de l'épidémie d'obésité en Amérique. Ou, juste peut-ci: ils découvrent les deux points ci-dessus sont vrais.

Lorsque Atkins abord publié son livre ''Dr. Atkins Diet Revolution'' en 1972, les Américains commencaient à accepter l’idée que la graisse - en particulier les graisses saturées de la viande et produits laitiers – étaient le grand méchant loup des problèmes nutritionnels de l'alimentation américaine. Atkins a vendu des millions d'exemplaires d'un livre promettant de perdre du poids en mangeant autant de steak, d’oeufs et de beurre que l’on veut, car les glucides, les pâtes, le riz, et le sucre sont la cause de l'obésité et des maladies cardiaques. La graisse est sans danger, dit-il.


Trente ans plus tard, l'Amérique est devenue étrangement polarisée sur la question du poids. D'un côté, tout le monde nous a dit avec une certitude quasi religieuse et nous en sommes venus à croire avec également certitude quasi religieuse, que l'obésité est causée par la consommation excessive de graisses, et que si nous mangeons moins de gras, nous allons perdre du poids et vivre plus longtemps. 

D'autre part, nous avons le message toujours d'actualité de Atkins et des décennies de livres best-seller de régime, dont ''La Zone,'' ''Sugar Busters'' et ''''Le pouvoir des protéines'' pour ne citer que quelques uns. Tous ces livres font la promotion de ce que les scientifiques appellent l'hypothèse alternative: ce n'est pas la graisse qui nous fait grossir, mais les glucides, et si nous mangeons moins de glucides, nous allons perdre du poids et vivre plus longtemps.

La perversité de cette hypothèse alternative est qu'elle identifie la cause de l'obésité comme étant précisément ces glucides raffinés que l'on trouve à la base de la célèbre pyramide alimentaire - les pâtes, le riz et le pain – que l’on nous a présenté comme la base d'une alimentation saine et pauvre en graisse, puis sur le sucre ou le sirop de maïs dans les boissons gazeuses, jus de fruits et boissons pour sportifs que nous consommons de nos jours en grande quantité pour aucune autre raison que qu'ils sont sans gras et ainsi apparaissent intrinsèquement sains.

Alors que le dogme actuel sans-graisse-est-bon-pour-la-santé est la réalité que nous avons appris à  connaître, et que le gouvernement a dépensé des centaines de millions de dollars en recherches tentant de prouver cette hypothèse, l’idée faible teneur en glucides a été reléguée au royaume de l'imagination scientifique.

Ces cinq dernières années, il ya eu un changement subtil du consensus scientifique. Le simple fait de considérer une position alternative –voire de faire des recherches- était considéré comme du charlatanisme.

Maintenant, une petite minorité croissante de chercheurs ont commencé à prendre au sérieux ce que les médecins préconisant le pauvre en glucides ont toujours clamé. Walter Willett, président du département de nutrition à l'Ecole Harvard de Santé Publique, est probablement le promoteur le plus en vue à  tester cette hypothèse hérétique. Willett est le porte-parole de la plus longue et plus complète étude sur  l'alimentation et la santé jamais réalisée, qui a déjà coûté plus de 100 millions de dollars et contient des données sur près de 300.000 personnes.

Ces données, explique Willett, contredisent clairement le message pauvre-en-graisses-est-bon-pour-la-santé, ainsi que le concept que toute graisse est mauvaise pour vous; en effet l'accent exclusif mis sur les effets indésirables de la graisse peut avoir contribué à l'épidémie d'obésité''.

Ces chercheurs soulignent qu'il ya beaucoup de raisons pour suggérer que cette hypothèse a maintenant effectivement échoué à l'épreuve du temps. En particulier, le fait que nous sommes au milieu d'une épidémie d'obésité qui a commencé vers le début des années 1980, et que cela a coïncidé avec la montée du dogme faible en gras. (Le Diabète de type 2, la forme la plus fréquente de cette maladie, a également augmenté de manière significative pendant cette période.) 

Ils disent que les régimes amaigrissants pauvres en graisse se sont révélés des échecs lamentables lors d’essais cliniques et dans la vie de tous les jours, et que par-dessus tout, le pourcentage de graisse dans l'alimentation américaine est en baisse depuis deux décennies. Notre taux de cholestérol a diminué, et nous fumons moins, et pourtant, l'incidence des maladies cardiaques n'a pas diminué comme on aurait pu s'y attendre. ''C'est très déconcertant,''dit Willett. ''Il suggère que quelque chose d’autre de mauvais se passe.''

La science derrière l'hypothèse alternative peut être appelé Endocrinologie de base, dit David Ludwig, un chercheur à la Harvard Medical School qui dirige la clinique d'obésité pédiatrique à l'Hôpital pour enfants de Boston, et qui prescrit sa propre version d'un régime alimentaire pauvre en glucides à ses patients. Comprendre l’endocrinologie revient à comprendre les mécanismes des glucides sur l'insuline et la glycémie , ainsi que le métabolisme des graisses et de l'appétit.

C’est la base de l’endocrinologie, dit Ludwig, qui est est l'étude des hormones. L’hypothèse de pauvre en graisses à été formulée dans les années 60 sur base d’études quasi exclusivement focalisée sur  l’impact des graisses et du cholestérol sur les maladies cardiaques.  À l'époque, l’endocrinologie était encore à ses débuts, et elle a été ignorée. Maintenant que cette science est devenue mature, il lui faut désormais combattre un quart de siècle de préjugés anti-graisse.

L'hypothèse alternative vient également avec une implication qui vaut la peine d’être prise en considération car c’est quelque chose d’énorme, qui pourrait être un obstacle à son acceptation.

Si l'hypothèse alternative est correcte - encore un ''grand si'' - alors la suggestion est que l’épidémie actuelle d’obésité en Amérique et ailleurs n'est pas, comme on nous le répète constamment, simplement due à un manque de volonté et d'exercice.

Au contraire, comme Atkins l'a prédit (ainsi Barry Sears, auteur de''La Zone'') vu que les autorités de santé publique nous ont dit de manger précisément ces aliments qui nous font grossir.

Et nous les avons écoutés. 

Nous mangeons plus de glucides sans matières grasses, ce qui a augmenté notre appétit et notre poids

Plus simplement, si l'hypothèse alternative est correcte, un régime alimentaire pauvre en graisses n'est pas, par définition, une alimentation saine. En pratique, un tel régime ne peut pas s'empêcher d'être riche en glucides, ce qui peut mener à l'obésité, et peut-être même des maladies cardiaques. ''Pour un grand pourcentage de la population, peut-être 30 à 40 pour cent, les régimes alimentaires faibles en gras sont contre-productifs,''dit-Eleftheria Maratos Flier, directeur de recherche sur l'obésité à l'Université Harvard Center de diabète Joslin. ''Ils ont comme effet paradoxal de faire prendre du poids.''

Les scientifiques discutent encore sur les matières grasses, en dépit d'un siècle de recherche, parce que la régulation de l'appétit et du poids du corps humain est extrèmement complexe, et les outils expérimentaux que nous avons pour les étudier sont toujours remarquablement inadéquats.

Cette situation met les chercheurs dans une position inconfortable. Etudier l'ensemble du système physiologique consiste à nourrir une vraie nourriture à de véritables sujets humains pendant des mois ou des années, ce qui est prohibitif, éthiquement discutable (si vous essayez de mesurer les effets des aliments qui pourraient causer des maladies cardiaques) et pratiquement impossible à faire dans un contexte scientifique rigoureusement contrôlé.

Mais si les chercheurs tentent d’étudier quelque chose de moins coûteux et plus contrôlable, ils finissent par l'étude des situations expérimentales tellement simplistes que leurs résultats peuvent ne rien a voir avec la réalité.

Cela mène alors à une littérature de recherche si vaste qu'il est possible de trouver au moins quelques recherches publiées supportant quasi toute théorie. Le résultat est une communauté balkanisée -''éclatée, très opiniâtre et dans de nombreux cas, intransigeante,'' déclare Kurt Isselbacher, un ancien président de la Food and Nutrition Board de la National Academy of Science - dans lequel les chercheurs semblent facilement convaincre que leurs idées préconçues sont correctes et sont complètement indifférents à tester toute autres hypothèses que les leurs.

De plus, le nombre d'idées fausses propagées au sujet de la recherche la plus fondamentale peut être stupéfiant. Les chercheurs décrivent de manière scientifiquement correcte les limites de leurs propres expériences, et puis citeront quelque chose comme parole d'évangile, car ils l'ont lu dans un magazine.

L'exemple classique est la déclaration entendue à maintes reprises que 95 pour cent de toutes les personnes suivant un régime ne perdent jamais de poids, et 95 pour cent de ceux qui y arrivent ne sont pas capable maintenir leur poids. Ceci est attribué au psychiatre de  l'Université de Pennsylvanie Albert Stunkard, mais il sera passé sous silence que cette déclaration est basée sur ... 100 patients qui sont passés par la clinique d'obésité Stunkard durant l'administration Eisenhower.

Un des quelques faits raisonnablement fiables sur l'épidémie d'obésité, c'est qu'elle a commencé vers le début des années 1980. Selon Katherine Flegal, épidémiologiste au Centre national de la statistique de la santé, le pourcentage d'Américains obèses est resté relativement constant durant les années 1960 et 1970 à 13 pour cent à 14 pour cent et a ensuite augmenté de 8 points de pourcentage dans les années 1980. À la fin de cette décennie, près d'un Américain sur quatre était obèse. Cette forte hausse, qui est cohérente à travers tous les segments de la société américaine et qui s'est poursuivi sans relâche durant les années 1990, est la caractéristique singulière de l'épidémie. Toute théorie qui tente d'expliquer l'obésité en Amérique doit prendre ce fait en compte. Entretemps, le nombre d’enfants en surpoids a presque triplé. Et pour la première fois, les médecins ont commencé a diagnostiquer le diabète de type 2 chez des adolescents. Le diabète de type 2 accompagne souvent l'obésité. Il s'appelait autrefois diabète de l'adulte et maintenant, pour des raisons évidentes, ne l'est plus.

Alors, comment en sommes nous arrivés à cette situation? L'explication orthodoxe et omniprésente est que nous vivons dans ce que Kelly Brownell, un psychologue de Yale, a appelé un '' environnement toxiques' d’aliments gras, pas cher, de grandes portions, de publicité alimentaire généralisée et de vie sédentaire. Selon cette théorie, nous sommes à la merci pavlovienne de l'industrie alimentaire, qui dépense près de 10 milliards de dollars en publicité pour de la nourriture malsaine et la restauration rapide. Et parce que ces aliments, particulièrement les fast-foods, contiennent tellement de graisse, sont à la fois irrésistibles et uniquement engraissants. En plus de cela, selon cette théorie, notre société moderne a réussi à éliminer l'activité physique de notre vie quotidienne.

Nous ne faisons plus d’exercercice ou montons un escalier, nos enfants ne vont plus à l’école en vélo ou ne jouent plus à l'extérieur, parce qu'ils préfèrent jouer à des jeux vidéo et regarder la télévision. Et puisque ce certains d'entre nous sont prédisposés à prendre du poids tandis que d'autres ne le sont pas, cette explication a également une composante génétique - le gène économe. Cette théorie suggère que le stockage des calories supplémentaires sous forme de graisse a été un avantage évolutif à nos ancêtres du paléolithique, qui devaient survivre lors de famines fréquentes. Nous avons ensuite hérité de ces gènes économes, en dépit de leur passif dans l’environnement toxique d'aujourd'hui.

Cette théorie est parfaitement logique et joue avec notre préjudice puritain que la graisse, la restauration rapide et la télévision sont de façon innée dommageables pour l'humanité.

Mais il ya deux failles. 

Tout d'abord, suivre cette logique est accepter que le renforcement négatif qui accompagne l'obésité - à la fois socialement et physiquement - est facilement anéanti par le bombardement constant de publicité alimentaire et l’appat d'un repas supersize à faible cout. Deuxièmement, comme Flegal le mentionne, peu de données sont disponibles pour supporter cette théorie. Certainement rien de tout cela n’explique ce qui a changé de manière significative pour démarrer l'épidémie. La consommation de Fast-food a continué à croître régulièrement durant les années 70 et 80, mais cette consommation n'a pas fait un bond soudain, comme l’a fait l'obésité.

En ce qui concerne l'exercice et l'activité physique, il n'y a pas de données fiables avant le milieu des années 80, selon William Dietz, qui dirige la division de la nutrition et l'activité physique au Centers for Disease Control; les données pour les années 1990 montrent des taux d'obésité continuant à grimper , tandis que le niveau d'activité physique reste inchangé. Cela suggère que ces deux points ont peu en commun. Dietz a aussi reconnu que la culture de l'exercice physique a commencé aux Etats-Unis dans les années 70 - la manie d'exercice loisirs, comme Robert Levy, directeur de l'Institut National Heart, Lung and Blood, l’a décrite en 1981 - et a continué à ce jour.

Comme pour le gène économe, il offre le genre de justification de l'évolution du comportement humain que les scientifiques trouvent rassurant, mais qui ne peut simplement pas être testé. En d'autres termes, si nous vivions ce jour une épidémie d'anorexie, des experts seraient en train de discuter de la théorie tout aussi invérifiable du gène dépensier, vantant les avantages évolutionnaires de la perte de  poids sans effort. Un homo erectus en surpoids, diront-ils serait une proie facile pour les prédateurs.

Il est également indéniable,
notent les endocrinologues, que l'humanité n'a jamais évolué de manière à manger une alimentation riche en féculents ou en sucres. Les produits céréaliers  et les sucres concentrés sont essentiellement absents de la nutrition humaine jusqu'à l'invention de l'agriculture dit Ludwig, qui ne date que de 10.000 ans. Ceci fait  est souvent débattu dans des textes d'anthropologie, mais il est surtout absent de la littérature sur l'obésité , à l'exception notable des livres traitant d'alimentation pauvre en glucides.

Ce que l’on oublie dans la controverse actuelle est que le dogme du pauvre en graisse ne date que d’approximativement 25 ans. Jusqu'à la fin des années 70, on a pensait généralement que les graisses et les protéines offraient une protection contre la suralimentation en donnant une sensation de satiété, et que les glucides font grossir.

Dans ''La physiologie du goût,'' par exemple, un ouvrage de 1825 considéré comme in des livres les plus célèbres jamais écrits sur la nourriture, le gastronome français Jean Anthelme Brillat-Savarin dit qu'il pourrait facilement identifier les causes de l'obésité après 30 ans d'écoute de personnes corpulantes vantant les mérites et les joies du pain, du riz et des pommes de terre.
Brillat-Savarin décrit les racines de l'obésité comme une prédisposition naturelle associée aux farines et féculent dont l'homme en fait son aliment quotidien''
Il a ajouté que les effets des fécules, pommes de terre, céréales ou tout autre type de farine sont visibles plus rapidement lorsque le sucre a été ajouté à l’alimentation.

C'est ce que ma mère m'a appris il ya 40 ans, les Italiens ont une tendance à devenir corpulents parce qu'ils mangeaient tellement de pâtes. Cette observation a été en fait documentée par Ancel Keys, un médecin de l'Université de Minnesota, qui a noté que ''les graisses ont une bonne tenue,'' voulant dire par cela qu'elles sont lentes à digérer et ainsi mener à la satiété, et que les Italiens ont été parmi populations
les plus lourdes qu’il a étudié. Selon Keys, les Napolitains, par exemple, ne mangent qu’un peu de viande maigre ou deux fois par semaine, mais mangent du pain et des pâtes tous les jours au déjeuner et au dîner. ''Il n'y a aucune preuve d'une carence nutritionnelle,''écrit-il,''mais les femmes de la classe ouvrière sont grosses.''


Durant les années 70, on pouvait encore trouver des articles dans des revues décrivant des taux élevés d'obésité en Afrique et dans les Caraïbes où le régime alimentaire contient presque exclusivement des glucides. La réflexion commune, a écrit un ancien directeur de la Division de la Nutrition de l'Organisation des Nations Unies, était que le régime idéal, celui qui a empêché l'obésité, le grignotage et la consommation excessive de sucre, serait  un régime alimentaire avec beaucoup d'oeufs, de boeuf, mouton, poulet, beurre et légumes bien cuits. Brillat-Savarin prescrit la même chose en 1825.


Paradoxalement c’est Ancel Keys qui a introduit le dogme du faible-en-graisses-est-bon-pour-la-santé dans les années 50, car selon sa théorie les graisses alimentaires augmentent le taux de cholestérol et vous donnent une maladie cardiaque.

Cependant durant les deux décennies suivantes, la preuve scientifique étayant cette théorie est restée obstinément ambiguë. L'affaire a finalement été réglée non pas par la science nouvelle, mais par le politique.

Cela a commencé en Janvier 1977, lorsqu’un comité du Sénat dirigée par George McGovern a publié ses objectifs diététiques pour les Etats-Unis, stipulant que ''les Américains doivent diminuer leur consommation de gras pour réduire l’épidémie de maladies mortelles qui supposément balaie le pays . Tout cela a culminé fin 1984, lorsque le National Institutes of Health a officiellement recommandé que tous les Américains âgés de plus de 2 ans mangent moins de graisse.

Depuis lors, la graisse est devenue  « le tueur graisseux » selon le communiqué mémorable du Centre pour la science dans l'intérêt public (CSPI), et le petit déjeuner américain modèle fait d'œufs et de bacon était sur ​​la bonne voie pour devenir un bol de Special K avec du lait pauvre en graisse, un verre de jus d'orange et du pain grillé, mais sans beurre.

Entretemps, le N.I.H. a dépensé plusieurs centaines de millions de dollars en recherches tentant de démontrer un lien entre la consommation de graisses et les maladies cardiaques et, malgré ce qu'on pourrait penser, ces recherches ont échouées. Cinq grandes études n'ont révélé aucun lien de ce type. Cependant une sixième étude, coûtant 100 millions de dollars, a seulement pu conclure que la réduction du cholestérol par un traitement médicamenteux pourrait offrir une protection contre les maladies cardiaques. Les administrateurs du  N.I.H. ont ensuite fait un changement radical de foi. Basil Rifkind, qui a supervisé les expériences pour le NIH, a décrit la logique de cette façon: ils ont échoué à démontrer à grands frais que manger moins de gras a des avantages pour la santé. Mais si un médicament anti-cholestérol pourrait prévenir les crises cardiaques, alors un régime pauvre en graisses et en cholestérol devrait faire la même chose. ''C'est un monde imparfait, m'a dit Rifkind. ''Les données qui serait définitives sont impossibles à obtenir, alors vous faites de votre mieux avec ce qui est disponible.''

Certains des meilleurs scientifiques ne sont pas d’accord avec cette logique du pauvre  en graisse, suggèrant que la bonne science est incompatible avec un changement de foi, mais ils ont effectivement été ignorés. Pete Ahrens, dont son laboratoire à l'Université Rockefeller a fait la recherche fondamentale sur le métabolisme du cholestérol, a témoigné au comité McGovern que chaque personne réagit différemment à un régimes pauvres en graisses. Ce n'était pas une question scientifique sur qui pourrait en bénéficier et qui pourrait en souffrir, dit-il , mais ''une question de pari.''

Phil Handler, alors président de la National Academy of Sciences, a témoigné au Congrès dans les mêmes termes en 1980. ''De quel droit, demande Handler , le gouvernement fédéral propose-t-il que le peuple américain mène une vaste expérience nutritionnelle, avec eux-mêmes comme sujets, fondé sur un effet bénéfique incertain? "

Néanmoins, dès que le N.I.H. approuva la doctrine pauvre en gras, les forces de la société prirent le relais. L'industrie alimentaire a commencé à produire rapidement des milliers de produits alimentaires allégés pour répondre aux nouvelles recommandations. La matière grasse a été supprimée d'aliments tels que les biscuits, les chips et les yaourts.

Le problème était qu’il fallait remplacer la graisse par quelque chose d'aussi savoureux et agréable au palais, ce qui signifiait une certaine forme de sucre, souvent du sirop de maïs riche en fructose. Pendant ce temps, toute une industrie a émergé, créant des substituts de matières grasses, dont l’olestra de Procter & Gamble

Et parce que ces viandes, fromages, snacks et biscuits à allégés a dû rivaliser avec quelques centaines de milliers d'autres produits alimentaires commercialisés en Amérique, l'industrie a dédié un effort publicitaire considérable pour renforcer le message du moins-de-gras-est-bon-pour-la-santé.

Ce message a également été renforcé par les forces énormes des diététiciens, des organisations de santé, des groupes de consommateurs et des journalistes, tous missionnaires bien intentionnés d'une alimentation saine.

Peu d'experts aujourd'hui nient que le message faible en gras est radicalement simplifié. Ce message ignore effectivement le fait que les graisses insaturées, comme l'huile d'olive, sont relativement bonnes pour votre santé: elles ont tendance à élever votre taux de bon cholestérol, lipoprotéines de haute densité (HDL), et à réduire votre taux de mauvais cholestérol, lipoprotéines de basse densité (LDL), du moins en comparaison avec l'effet des glucides. Alors que le L.D.L. augmente votre risque de maladie cardiaque, un taux plus élevé de H.D.L. le réduit.

Ce que cela signifie est que même les graisses saturées - les 'mauvaises' graisses - sont loin d'être aussi néfastes qu'on pourrait le penser. Certes, elles vont élever votre taux de mauvais cholestérol, mais elles vont aussi élever votre taux de bon cholestérol. En d'autres termes, c'est du pareil au même. Comme me l'a expliqué Willett, vous n'obtiendrez que peu ou pas d'avantage pour la santé en abandonnant le lait, le beurre et le fromage et les remplacant par des bagels.

Mais les choses deviennent encore plus étrange. Des aliments considérés comme plus ou moins meurtriers dans le dogme faible en gras se révèlent être relativement bénins si vous regardez leur teneur en matières grasses. Plus des deux tiers de la graisse dans un steak d'aloyau, par exemple, va définitivement améliorer votre profil cholestérol (tout du moins en comparaison avec la pomme de terre cuite à côté), il est vrai que le reste va augmenter votre taux de LDL, mais augmentera également votre taux de HDL. Même chose avec le saindoux. En manipulant les chiffres, on peut arriver à la conclusion surréaliste que vous pouvez manger du saindoux directement de l’emballage et en théorie réduire votre risque de maladie cardiaque.

L'exemple crucial de la manière dont les recommandations du faibles en gras on été sursimplifiées est montré par l'impact - potentiellement mortel - des régimes pauvres en graisses sur les triglycérides, qui sont les molécules composantes des graisses. À la fin des années 60, les chercheurs ont montré que des niveaux élevés de triglycérides ont été au moins aussi fréquents dans les maladies cardiaques que chez des patients ayant un taux élevé de cholestérol LDL, et qu’une alimentation pauvre en graisses et riche en glucides augmenterait chez beaucoup de gens leur taux de triglycérides, abaisserait le taux de HDL et accentuerait ce que Gerry Reaven, endocrinologue à l'Université de Stanford, appelle le  syndrome X. Ceci est un groupe de conditions qui peuvent conduire à des maladies cardiaques et au diabète de type 2.

Il a fallu à Reaven dix ans pour convaincre ses pairs que le syndrome du X est une préoccupation de santé légitime, en partie parce que d'accepter sa réalité est d'accepter que les régimes alimentaires faibles en gras augmentent les risques de maladies cardiaques pour un tiers de la population.

''Parfois, nous souhaitons que cela disparaisse car personne ne sait ce qu’il faut faire avec cette information'', a déclaré Robert Silverman, un des chercheurs du NIH, durant une conférence du N.I.H. en 1987. Des niveaux élevés de protéines peuvent être mauvais pour les reins. Trop de graisses est mauvais pour votre cœur. Maintenant Reaven nous dit de ne pas manger trop de glucides. Nous devons pourtant manger quelque chose.''


Assurément, tout ceux impliqués dans la rédaction des différentes directives diététiques veulent tout simplement que les Américains mangent moins de malbouffe, et manger plus comme ils le font à Berkeley, en Californie mais nous n'avons suivi cette voie.
Au lieu de cela nous avons mangé plus de féculents et de sucres raffinés, car calories pour calories, ces aliments reviennent moins chers à produire pour l'industrie alimentaire, et ils peuvent être vendus avec un plus grand profit. C'est aussi ce que nous aimons manger. Rares sont les personnes âgées de moins de 50 ans qui ne préfère pas un cookie ou un yaourt très sucré à une tête de brocoli.

''Tous les réformateurs feraient bien d'être conscient de la loi des conséquences inattendues,'' déclare Alan Stone, qui a été directeur du personnel du comité du Sénat McGovern. Stone m'a dit qu'il avait une petite idée sur la façon dont l'industrie alimentaire allait s’adapter aux nouveaux objectifs durant les premières audiences.

Un économiste l’a pris à part, dit-il, et lui a donné une leçon sur la dissuasion du marché pour une alimentation saine:''Il a dit que si vous créez un nouveau marché avec un tout nouvel aliment fabriqué, lui donner un tout nouveau nom de fantaisie, mettez un gros budget publicitaire dessus, vous créerez un marché pour vous tout seul et allez forcer vos concurrents a vous rattraper. Vous ne pouvez pas faire ça avec des fruits et des légumes. Il est difficile de différencier une pomme d'une autre pomme.''


Les chercheurs en nutrition ont également joué un rôle avancant le concept que les glucides sont les nutriments idéaux. Depuis  longtemps on sait que la graisse a neuf calories par gramme, contre quatre pour les glucides et les protéines. Maintenant c’est devenu la position sans risque de la recommandation pauvre en graisse: réduisez la source la plus dense source de calories dans le régime alimentaire et vous perdrez du poids.

Puis, en 1982, JP Flatt, un biochimiste de l'Université de Massachusetts, a publié ses recherches démontrant que, dans une alimentation normale, il est extrêmement rare que le corps humain convertisse les glucides en graisse corporelle. Ceci fut alors incorrectement interprété par les médias et quelques scientifiques, pensant que les glucides alimentaires, même à l'excès, ne pouvait pas faire grossir - ce qui n'est pas le cas, dit Flatt. Mais cette interprétation développa sa propre vie  car c’est en accord avec l'idée que les graisses vous rendent gras et les glucides sont inoffensifs.

En conséquence, les grandes tendances dans l'alimentation américaine depuis la fin des années 70, selon l' économiste agricole Judith Putnam de l’USDA, ont été une diminution du pourcentage de calories de graisse et une  augmentation considérable de la consommation de glucides. Pour être plus précis, la consommation annuelle de céréales a augmenté de près de 30 Kg  par personne, et les édulcorants caloriques (principalement sirop de maïs à haute teneur en fructose) de 15 kg. En même temps, nous avons soudainement commencé à consommer plus de calories au total: maintenant jusqu'à 400 calories de plus chaque jour depuis que le gouvernement a débuté ses recommandations sur un régime pauvres en graisses.

Si ces tendances sont correctes, alors l'épidémie d'obésité peut certainement s'expliquer par le fait que les Américains mangent plus de calories qu’auparavant - l'excès de calories, après tout, est ce qui nous amène à prendre du poids - et, plus précisément, les glucides. La question est pourquoi?

La réponse fournie par l’endocrinologie est que tout simplement nous avons plus plus faim que durant les années 70, et la raison est plus physiologique que psychologique. Dans ce cas, le facteur prépondérant - ignoré dans la poursuite de la graisse et son effet sur
​​le cholestérol - est de savoir comment les glucides affectent la glycémie et l'insuline. En fait, ce sont des coupables évidents ce qui explique pourquoi Atkins et les médecins low-carb se sont concentrés sur eux au début.

Le rôle principal de l'insuline est de réguler la glycémie (taux de sucre dans le sang). Lorsque vous mangez des glucides, ils seront décomposés en molécules de sucre et transportés par le sang. Votre pancréas sécrète alors de l'insuline, qui dévie le sucre du sang vers les muscles et le foie comme réserve de carburant pour les prochaines heures. C'est pourquoi les glucides ont un impact significatif sur l'insuline et la graisse n’en a pas.

Et vu que le diabète juvénile est causé par un manque d'insuline, les médecins croyaient depuis les années 20 que le seul problème avec l'insuline est de ne pas en avoir assez.

Mais l'insuline régule également le métabolisme des graisses. Nous ne pouvons pas produire de graisse corporelle sans insuline. Considérez l'insuline comme un interrupteur.

Quand il est allumé, dans les quelques heures après avoir mangé, vous brûlez les calories des glucides comme énergie et stockez l'excès sous forme de graisses. Quand il est éteint, après que l'insuline a été épuisée, vous brûlerez les graisses comme carburant. Ainsi, lorsque les niveau d'insuline est bas, vous brûlerez votre propre graisse, mais pas quand il est élevé.

C'est là que les choses se compliquent. Plus vous êtes gros, plus votre pancréas devra pomper d'insuline par repas, et plus il sera probable que vous développerez ce qu'on appelle la résistance à l'insuline, qui est la cause sous-jacente du syndrome X. En effet, vos cellules deviennent progressivement insensibles a l'action de l'insuline, et donc vous aurez besoin des quantités de plus en plus grandes d’insuline pour maintenir votre glycémie sous contrôle. Donc, au fur et à mesure de la prise de poids, l'insuline favorisera le stockage de la graisse et rendra plus difficile la consommation de votre graisse, ou perte de poids.  Mais la résistance à l'insuline à son tour, peut rendre le stockage de graisse plus difficile- votre poids reste constant, comme il se doit. Mais  la résistance à l'insuline pourrait inciter votre pancréas à produire encore plus d'insuline, le début potentiel d’un cercle vicieux. Qui vient en premier - l'obésité, l'insuline élevée, connu sous le nom d'hyperinsulinémie, ou la résistance à l'insuline - un problème de la poule et de l'œuf qui n'a pas encore été résolu. Un endocrinologue m’a décrit cela comme la question pour le prix Nobel.

L'insuline a aussi un effet profond sur la faim, mais dans quel but, c’est un autre sujet de controverse. D'une part, l'insuline peut déclencher indirectement la sensation de faim en abaissant votre taux de sucre sanguin, mais a quel taux de sucre sanguin la faim commencera-t-elle ? En même temps l'insuline agit dans le cerveau pour supprimer la faim. La théorie, comme me l'a expliqué par Michael Schwartz, endocrinologue à l'Université de Washington, est que la faculté de l'insuline à inhiber l'appétit serait normalement en opposition à sa propension à générer de la graisse corporelle. En d'autres termes, alors que vous prenez  du poids, votre corps produirait plus d'insuline après chaque repas, et cela supprimera votre appétit; vous mangez moins et perdez du poids.

Schwartz, cependant, peut imaginer un simple mécanisme simple qui déséquilibrerait cette homéostasie:  votre cerveau perd sa sensibilité à l'insuline, tout comme votre graisse et vos muscles font quand ils sont inondés d’insuline. Alors la production plus élevée d'insuline qui accompagne la prise de poids ne supprimerait plus votre appétit car votre cerveau ne serait plus sensible au message de l’insuline.

Le résultat final serait un état ​​physiologique dans lequel l'obésité est presque prédestiné, et dans lequel la connexion glucides/insuline pourrait jouer un rôle majeur. Schwartz dit qu'il croit que cela pourrait effectivement être le cas, mais la recherche n'a pas progressé assez pour le prouver. ''C'est juste une hypothèse,''dit-il.

David Ludwig, l'endocrinologue de Harvard, affirme que c'est l'effet direct de l'insuline sur la glycémie est le la clef. Il a observé que, lorsque les diabétiques recoivent trop d'insuline, leurs taux de sucre sanguin chute et ils deviennent affamés. Ils prennent du poids parce qu'ils mangent plus, et l'insuline favorise le stockage de graisse. La même chose se passe avec les animaux de laboratoire. Ceci, dit-il, est effectivement ce qui arrive quand on mange des hydrates de carbone - en particulier le sucre et les féculents comme les pommes de terre et riz, ou quoi que ce soit à base de farine, comme une tranche de pain blanc.

Ces aliments sont connus dans le jargon comme glucides à haut indice glycémique, ce qui signifie qu'ils sont absorbés rapidement dans le sang. En conséquence, ils provoquent un pic de glycémie et une poussée de l'insuline en quelques minutes. L’arrivée de l’insuline stocke le sucre et quelques heures plus tard, votre glycémie est inférieure à ce qu'elle était avant que vous ayez mangé. Comme Ludwig l’explique, votre corps pense qu'il est à court de carburant, mais le taux d'insuline est encore suffisamment élevé pour vous empêcher de brûler votre propre graisse. Le résultat est la faim et un besoin de glucides. C'est un cercle vicieux, et une autre situation propice à l'obésité.

Le concept de l’indice glycémique et l'idée que les amidons peuvent être absorbés dans le sang plus rapidement que le sucre a émergé à la fin des années 70, mais encore une fois n’a eu aucune influence sur les recommandations de santé publique, en raison des controverses associées. A savoir: si vous acceptez le concept d'indice glycémique, alors il faut aussi accepter que les amidons, que nous sommes supposés manger 6 à 11 fois par jour deviennent, une fois avalés, physiologiquement indiscernables des sucres. Cela rendrait les féculents et amidons nettement moins que sains. Plutôt que d'accepter cette possibilité, les décideurs ont simplement permis aux sirop de sucre et de maïs d'échapper à la diffamation qui s'est abattue sur les graisses alimentaires. Après tout, ils ne contiennent pas de matières grasses.

Le sucre et le sirop de maïs dans les boissons gazeuses, jus et thés, boissons pour sportifs fournissent maintenant plus de 10 pour cent de notre apport calorique total et les années 80 a vu l'introduction des Big  Gulp et gobelets de 32 onces de Coca-Cola, gorgés de sucres, mais 100 pour cent sans graisse. En ce qui concerne l'insuline et les sucres sanguins, ces boissons gazeuses et les jus de fruits - que les scientifiques appellent ''les glucides humides''- pourrait en effet être les pires de tous.

L'essentiel du concept de l’indice glycémique est que plus il faut de temps pour digérer les glucides, moins sera l’impact sur la glycémie et l'insulinémie et au plus sain sera l’aliment. Les aliments ayant la meilleure notation sur l'indice glycémique sont des sucres simples, des amidons et tout aliment à base de farine. Les légumes verts, les haricots et les grains entiers provoquent une augmentation beaucoup plus lente du taux de sucre du sang parce qu'ils contiennent des fibres, un hydrate de carbone non digestible, qui ralentit la digestion et diminue l'index glycémique. Les protéines et les graisses servent le même but, ce qui implique que la graisse alimentaire peut être bénéfique, une notion qui est toujours inacceptable. Et le concept d’indice glycémique implique que la cause principale du syndrome X, les maladies cardiaques, diabète de type 2 et l'obésité sont les dommages à long terme causés par les surtensions répétées d'insuline qui viennent de la consommation d’amidons et de sucres raffinés. Ceci suggère une sorte de théorie du champ unifié pour ces maladies chroniques, mais pas une théorique qui cohabite facilement avec la doctrine du pauvre en gras.


Dans sa clinique d’obésité pédiatrique, Ludwig prescrit des régimes à faible indice glycémique pour les enfants et les adolescents depuis maintenant cinq ans. Il ne recommande pas le régime Atkins, car il dit qu'il croit que cette approche pauvre en glucides est inutilement restrictive, mais plutôt, il dit à ses patients de remplacer efficacement les glucides raffinés et les féculents avec des légumes, des légumineuses et des fruits. Cela rend un régime à faible index glycémique compatible avec du bon sens alimentaire, quoique dans un genre plus élevé en matières grasses.

La liste d'attente de sa clinique est maintenant de neuf mois. C'est seulement récemment que Ludwig a réussi à convaincre le NIH que de tels régimes sont dignes d'étude scientifique. Ses trois premieres demandes de bourses de recherche ont été rejetées, ce qui peut expliquer pourquoi la plupart des recherches pertinentes sont faites au Canada et en Australie.

En avril, toutefois, Ludwig a reçu 1,2 millions de dollars du NIH pour comparer son approche faible indice glycémique à un régime traditionnel pauvre en calories et en graisses. Cela pourrait aider à résoudre certaines controverses sur le rôle de l'insuline dans l'obésité, bien que le redoutable Robert Atkins pourrait y arriver en premier.

Atkins, 71 ans, diplômé de la Cornell Medical School, dit avoir initialement essayé un régime très pauvre en glucides en 1963 après avoir lu un article à ce sujet dans le Journal of the American Medical Association. Il a perdu du poids sans effort, et a transformé son cabinet cardiologique en difficulté en une clinique d'obésité florissante. Il s’est en suite mis à dos de l’entièreté de la communauté médicale en disant à ses lecteurs de manger autant de gras et de protéines qu’ils veulent, tant qu'ils ne mangent peu ou pas de glucides. Ils perdent du poids, dit-il, parce qu'ils allaient maintenir leur taux d’insuline bas, ils n’auront pas faim, et ils auraient moins de résistance à bruler leur propre graisse. Atkins a également noté que les amidons et les sucres sont néfastes dans tous les cas, car ils ont augmentent les niveaux de triglycérides et que cela a été un facteur de risque de maladie cardiaque plus important que le cholestérol.

Le régime Atkins est à la fois la manifestation ultime de l'hypothèse alternative ainsi que le champ de bataille sur lequel la controverse graisse contre glucides est susceptible d'être combattu scientifiquement durant les prochaines années. Après avoir proclamé qu’Atkins était un charlatan depuis trois décennies, les spécialistes de l'obésité ont maintenant difficile d’ignorer les preuves de l'effiicacité de son régime.


Prenez Albert Stunkard, par exemple. Stunkard essaye de traiter l'obésité depuis un demi-siècle, mais il m'a dit qu'il avait eu son épiphanie avec le régime Atkins et l'obésité lorsqu'il a découvert que le chef de la radiologie de son hôpital avait perdu 30 Kg en suivant le régime Atkins.
''Eh bien, apparemment tous les jeunes gars à l'hôpital suivent ce régime,''at-il dit. ''Nous avons donc décidé de faire une étude.  Quand j'ai demandé à Stunkard si lui ou ses collègues avaient considéré de tester le régime 30 ans plus tôt il m’a dit qu’a l’époque ils pensaient qu’Atkins était un con qui était juste la pour se faire du fric.

En fait, quand l’American Medical Association a publié sa critique virulente du regime Atkins en mars 1973, elle a en fait admit que ce régime fonctionnait, mais sans fournir d’explications sur le pourquoi. Durant les années 60 tout cela faisait l’objet  de recherches considérable avec comme conclusion que ce type de régimes étaient des régimes pauvres en glucides déguisés, en enlevant les pates, le pain et les pommes de terre, vous auriez plus difficile  de manger suffisamment de viande et de légumes pour remplacer les calories des glucides.

Cela, cependant, a soulevé la question de savoir pourquoi un régime hypocalorique supprimerait aussi la faim, ce qui etait signature caractéristique du régime Atkins

Une des possibilités vient de l’endocrinologie : les graisses et les protéines vous donene t un sentiment de satiété et sans les glucides qui provoquent le yoyo avec l’insuline, vous restez rassasies.

L'autre possibilité vient du fait que le régime Atkins est cétogène. Lorsque le taux d'insuline tombe en dessous d'un certain niveau vous entrez dans un état appelé cétose, qui se passe durant le jeûne et la famine. Vos muscles et les tissus du corps vont brûler les graisses comme énergie, comme le fait votre cerveau sous la forme de molécules de graisse produite par le foie appelées corps cétoniques.

Atkins a considéré la cétose comme le moyen le plus évident de déclencher la perte de poids. Il aimait aussi à dire que la cétose est tellement énergisante qu’elle est mieux que le sexe, ce qui a eu comme conséquence de le ridiculiser. Une critique inévitable du régime Atkins a été que l’état de cétose est dangereux et doit être évité à tout prix.

Cependant, quand j'ai interrogé des experts en cétose, ils sont universellement du coté d’Atkins, et ont suggérés que la communauté médicale et les médias confondent cétose avec acidocétose, une variante de la cétose qui survient chez les diabétiques non traités et qui peut être mortelle.  Les médecins ont peur de la cétose, déclare Richard Veech, une chercheuse du NIH qui a étudié la médecine à Harvard puis a obtenu son doctorat à l'Université d'Oxford avec le lauréat du prix Nobel, Hans Krebs. ''Ils sont toujours inquiets de l’acidocétose diabétique. Mais la cétose est un état physiologique normal. Je dirais que c'est l'état normal de l'homme. Ce n'est pas normal d'avoir un McDonald et une épicerie fine à chaque coin de rue. Il est normal d'avoir faim.''

Autrement dit, la cétose est la réponse à l'évolution du gène économe. Nous avons évolué pour stocker efficacement de la graisse pour survivre lors de périodes de famine, dit Veech, mais nous avons aussi évolué de pour pouvoir utiliser cette graisse de manière efficace via  la cétose. Plutôt que d'être des poisons, ce à quoi la presse compare
régulièrement les cétones, ils permettent au corps de fonctionner plus efficacement en fournissant une source de carburant de secours pour le cerveau. Veech qualifie les cétones de ''magiques''  et a montré que le cœur et le cerveau fonctionne 25 pour cent plus efficacement avec les cétones qu'avec les sucres sanguins.

Le mot de l’histoire est que pour la meilleure parte de 30 ans Atkins a insisté que son régime fonctionnait sans danger, les américains l’ont essayé par dizaines de millions alors que les nutritionistes, les médecins et les autorités sanitaires insistaient que ce régime pouvait être mortel, et n’exprimaient aucun désir de savoir qui avait raison.


Durant cette période, seulement deux groupes de chercheurs américains ont testé ce régime ou au moins ont publié leurs résultats. Au début des années 70, JP Flatt de Harvard, et George Blackburn ont lancé l’approche « épargne protéique rapide » pour traiter les patients post-opératoires, et ils l'ont testé sur des volontaires obèses. Blackburn, qui devint plus tard président de l'American Society of Clinical Nutrition, décrit son régime comme 'un régime Atkins, sans excès de graisse et' dit qu'il fallait lui donner un nom fantaisiste sinon personne ne les prendrait au sérieux.

Le régime consiste en  viandes maigres, poisson et volaille complétés par des vitamines et des minéraux. Les gens ont adoré, se rappelle Blackburn. Fantastique perte de poids.
Blackburn traité avec succès des centaines de patients obèses durant la décennie suivante et a publié une série de documents qui ont été ignorés par la suite.

Lorsque des résidents de Nouvelle-Angleterre obèses se sont tournés vers des médicaments pour contrôler  l’appétit dans le milieu des années 80, dit-il, il laissa tomber. Il a ensuite postulé à la N.I.H. pour une bourse pour faire un essai clinique de régimes populaires mais sa demande a été rejetée.

Le second essai, publié en Septembre 1980, a été fait à la George Washington University Medical Center. Deux douzaines de volontaires obèses ont accepté de suivre le régime Atkins pendant huit semaines et ont perdu une moyenne de 8,5 kg chacun, sans effets secondaires apparents, bien que leur taux de LDL ait augmenté. Les chercheurs, menés par John LaRosa, aujourd'hui président de l'Université d'État de New York Downstate Medical Center de Brooklyn, a conclu que la perte de poids de 17 livres en huit semaines serait probablement arrivée avec n'importe quel régime sous ''la nouveauté d'essayer quelque chose sous conditions expérimentales'' et n’ont pas poursuivi leur recherches.


Maintenant, les chercheurs ont finalement décidé que le régime Atkins et autres régimes pauvres en glucides doivent être testés, et font la comparaison avec les régimes traditionnels faible en calories et faibles en gras comme recommandé par l'American Heart Association.

Pour expliquer leur motivation, ils ont inévitablement recours à deux histoires: certains, comme Stunkard, m'a dit que quelqu'un qu'ils connaissaient - un patient, un ami, un confrère a perdu beaucoup de poids avec le régime Atkins et, malgré toutes leurs idées préconçues à ce sujet, n’a pas repris de poids.

D'autres disent qu'ils sont frustrés par leur incapacité à aider leurs patients obèses, ont évalué les régimes alimentaires faibles en glucides et a décidé que l'approche endocrinologie était plus convaincante. 

''Comme tout médecin, j'ai été formé pour me moquer de choses comme le régime Atkins,''déclare Linda Stern, une interniste à l'hôpital de Philadelphie Veterans Administration,''mais je me suis mise à ce régime. J’ai eu de bons résultats. Et je pense que c'est quelque chose que je peux proposer à mes patients.''

Aucune de ces études n’ont été financées par le NIH, et aucun résultat n'a encore été publiée. Mais les résultats ont été rapportés lors de conférences - par des chercheurs de l'hôpital Schneider pour enfants à Long Island, Duke University et l'Université de Cincinnati, et par le groupe Stern à la VA Philadelphie Hôpital.  

Et puis il y a l’étude mentionnée par Stunkard, dirigée par Gary Foster à l'Université de Pennsylvanie, Sam Klein, directeur du Center for Human Nutrition à l'Université Washington à St. Louis, et Jim Hill, qui dirige l'Université du Colorado Center for Human nutrition à Denver.

Les résultats de ces cinq études sont remarquablement cohérents. Les sujets suivent une certaine forme de régime Atkins - des adolescents en surpoids pendant 12 semaines chez Schneider, ou des adultes obèses pesant en moyenne 150 Kg en régime pendant six mois à la VA Philadelphie ont perdu deux fois plus de poids que les sujets suivant un régimes faibles en gras, faible en calories..

Dans les cinq études, le taux de cholestérol s’est amélioré de la même manière avec les deux régimes, mais les niveaux de triglycérides ont été considérablement plus bas dans le régime Atkins. Bien que les chercheurs hésitent a accepter cela, il suggèrent que le risque de maladies cardiaques pourrait effectivement être réduit lorsque la graisse est réintroduite dans le régime alimentaire et les amidons et les sucres raffinés sont éliminés.  

''Je pense que lorsque ce genre de choses arrive à être reconnu,''Stunkard dit,''ça va vraiment provoquer beaucoup de réflexion sur l'obésité et le métabolisme.''

Tout cela pourrait être réglé plus tôt que plus tard. Pour la première fois, le N.I.H. finance des études comparatives. Foster, Klein et Hill, par exemple, ont reçu plus de 2,5 millions de dollars du NIH de faire une étude de cinq ans du régime Atkins avec 360 personnes obèses. À Harvard, Willett, Blackburn et Penelope Greene ont recu des fonds de la fondation à but non lucratif Atkins, afin de faire également une étude comparative.

Si ces études cliniques sont favorables à Atkins et sa haute teneur en graisse, pauvre en glucides, les autorités de santé publique pourraient effectivement avoir un problème. Depuis qu'ils ont pris leur acte de foi et se sont installés sur le dogme du pauvre en matières grasses alimentaires il ya 25 ans, ils n'ont laissé peu de place pour un témoignage contradictoire ou tout changement d'opinion, si un tel changement devrait être nécessaire pour faire face à la science. 


Dans cette perspective l'expérience de Sam Klein est remarquable. Klein est président élu de l'Association nord-américaine pour l'étude de l'obésité, ce qui suggère qu'il est un membre très respecté de sa communauté. Et pourtant, il a décrit son expérience récente de débattre du régime Atkins lors de conférences médicales comme une expérience d'apprentissage. ''J'ai été impressionné,''dit-il,''par la colère des académiciens dans l'auditoire. Leur réponse est «Comment osez-vous, présenter des données sur le régime Atkins! ''

Cette hostilité vient principalement de leur angoisse que les Américains, recevant une lueur d'espoir au sujet de leur poids, se précipiteront en masse pour essayer un régime qui semble a priori dangereux et sur lequel il n'ya pas encore de données à long terme sur sa véracité et sa fiabilité. C'est une crainte légitime. Au cours de mes recherches, j'ai passé une matinée dans mon restaurant de quartier les yeux fixés sur une assiette d'oeufs brouillés et de saucisses, convaincu que quelque part, d'une certaine façon, ils doivent travailler à boucher mes artères.

Après 20 ans enracinés dans le paradigme du pauvre en graisse, j'ai du mal à imaginer le monde de la nutrition autrement. J'ai appris que les régimes alimentaires pauvres en gras échouent dans les essais cliniques et dans la vie réelle, et ils ont certainement échoué dans ma vie. J'ai lu des journaux qui suggèrent que 20 années de recommandations de faible en gras n'ont pas réussi à réduire l'incidence des maladies cardiaques dans ce pays, et peuvent avoir mené plutôt à la forte augmentation de l'obésité et diabète de type 2.

J'ai interviewé des chercheurs dont les modèles informatiques ont calculé que la diminution de graisses saturées dans mon alimentation aux niveaux recommandés par l'American Heart Association n'ajouterait théoriquement que de quelques mois de plus à ma vie. J'ai même perdu beaucoup de poids avec une relative facilité en abandonnant les glucides lors de mon régime d'essai

Etpourtant je regarde toujours mes oeufs et les saucisses et peut encore imaginer l'arrivée imminente de maladies cardiaques et d'obésité

Le fait que Atkins lui-même a eu des problèmes cardiaques récemment, n'a pas soulagé mon angoisse, en dépit de son assurance que ce n'est pas liée au régime alimentaire.

Je pense que c'est l'état d'esprit que les principaux nutritionnistes, les chercheurs et les médecins doivent prendre face à la controverse graisse versus glucides. Ils sont suceptibles de changer d'avis, mais les preuves devront être exceptionnellement convaincantes. 

Ce type de conversion peut s'être passé chez John Farquhar, qui est professeur de recherche en politique de santé à l'Université de Stanford et a travaillé dans ce domaine depuis plus de 40 ans. Lorsque j'ai interviewé Farquhar en avril, il m'a expliqué pourquoi les régimes alimentaires pauvres en gras pourrait conduire à un gain de poids et de régimes pauvres en glucides pourrait conduire à la perte de poids, mais il m'a fait promettre de ne pas dire qu'il croit en ces résultats. Il a attribué la cause de l'épidémie d'obésité à l'alimentation de force''d'une nation.'' 

Trois semaines plus tard, après avoir lu un article sur l'endocrinologie par David Ludwig dans le Journal of American Medical Association, il m'a envoyé un e-mail posant la question qui n'est pas entièrement-, rhétorique,''Pouvons-nous demander des excuses aux partisans du régime pauvre en graisses ?''

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nda: le Dr Robert Atkins est décédé en 2003, peu de temps après la publication de cet article. Bien qu'il ait eu des problèmes cardiaques en 2002, qui ne sont pas en relation avec son régime, la cause de son décès est une chute causée par une plaque de verglas sur un trottoir New-yorkais..



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