lundi 19 mars 2012

La viande rouge qui fait mourir... de rire

Cette semaine une étude nutritionelle a fait grand bruit dans les médias. Selon cette étude faite par d'éminents scientifiques dans une grande université d'un pays très très loin, le fait de consommer de la viande ferait augmenter le risque de mortalité de 20%.

Je suis mourant... de rire. 

Tout d'abord je ne pense qu'aucun journaliste qui a pondu des articles ayant comme titre  'toutes les viandes sont mauvaises', 'la viande rouge cause un décès sur dix', 'la viande peut être mortelle' et j'en passe, n'a certainement pas lu en profondeur cette étude. (qui est disponible en anglais sur ce lien)

Pour mémoire, il existe deux grands types d'études statistiques:
  • les études observationelles, qui se contentent de regarder les chiffres bruts, evaluer les corrélations et de tirer des conclusions hatives 
  • les études cliniques, qui visent à prouver ou réfuter l'effet d'une substance ou d'un traitement via un protocole d'étude strict et controlé. (par exemple comparer l'effet d'une substance par rapport à un placebo, les célèbres études en 'double aveugle')

A l'instar d'autres publications ou études, cette étude ne dit pas que la viande vous fera mourir via une  maladies cardio vasculaire ou un cancer, mais plutot que la viande vous fera mourir en général de tout!!

Je cite:


Conclusions  Red meat consumption is associated with an increased risk of total, CVD, and cancer mortality. Substitution of other healthy protein sources for red meat is associated with a lower mortality risk.

Conclusions: la consommation de viande rouge est associée à une augmentation du risque de mortalité, totale, cardio-vasculaire et cancer.La substitution par d'autres protèines bonnes pour la santé sont associées à un taux de mortalité inférieur.

Ces éminents chercheurs ont découvert qu'une portion par jour de viande était associée avec un risque de mortalité accru de 13%, et qu'une portion de viande transformée par jour - l'equivalent d'un hotdog - était associée à un risque de mortalité accru de 20%. 

Et ils on bien dit dans les conclusions tout type de mortalité.Y compris potentiellement les accidents de parachute, les naufrages en mer, les attentats terroristes et le décès par cause naturelle....

Et au cas ou vous en voulez plus ces chercheurs ont également agité leur baguette magique statistique et ont clamé que vous pourriez défier la mort pour quelques années supplementaires en mangeant des soi disant aliments 'meilleurs pour la santé'.En fait ces chercheurs suggèrent qu'un décès sur dix aura pu être évité si tout le monde mangeait la moitié moins de viande... 

Si vous suivez les divers discours nutritionnels depuis suffisament longtemps, vous aurez certainement observé que la santé selon les médias et la santé selon la réalité sont deux choses fort différentes, et  les résultats des études scientifiques peuvent être aisément  manipulés par les chercheurs.

L'observation par rapport à l'expérimentation

Prenons en considération un point important que les médias -ainsi que certains scientifiques - n'ont pas encore bien assimilé. Cette étude sur la viande est une étude standard observationelle, et non pas une expérience conduite dans un laboratoire ou une clinique, ou on change un paramètre spécifique pour étudier un lien entre une cause et un effet.

L'observation est effectivement  la premiere étape de la méthode scientifique, mais n'en est jamais la conclusion.
Le but de ce type d'étude n'est pas de créer des recommendations de santé, mais plutot de formuler des hypothèses qui pourront être ultérieurement  testées et répliquées dans un environnement controlé afin d'en comprendre les mécanismes. Tenter de trouver une preuve dans une étude observationelle et comme essayer de faire allaiter un pingouin. Ca ne se passera jamais.

Malgré cela, les médias ainsi que certains chercheurs, dans ce cas ci le chercheur principal Frank Hu clament haut et fort que "cette étude fournit une preuve claire que la consommation de viande rouge, particulièrement la viande transformée mène inéluctablement à un décès prématuré." malgré le fait que cette étude n'apporte aucun indice fiable. Seule une étude expériementale avec des variables et des paramètres controlés serait capable de prouver un lien de cause à effet.

L'hyper-extrapolation de cette étude n'est pas surprenante. Arriver à une conclusion expérimentale est le but non avoué de toute étude observationelle. Ce genre d'étude est une excellente dissertation sur des observations, mais dès que les auteurs ou les médias ajoutent un peu de maquillage,  toute crédibilité scientifique s'évapore.

Les questionnaires de recherche: un test d'honnèteté et de mémoire surhumaine

Regardons comment cette étude a été réalisée. Les chercheurs ont donné aux participants un questionnaire leur demandant d'indiquer à quelle fréquence ils consomments certains aliments, ces questionnaires couvrant chacun une durée de quatre ans, depuis 1980 et se terminant en 2006 (vous pouvez consulter ce questionnaire ici si vous en avez le courage et vous imaginer comment le commun des mortels répondra a ces questions)
Voici quelques détails supplémentaires
In each FFQ, we asked the participants how often, on average, they consumed each food of a standard portion size. There were 9 possible responses, ranging from “never or less than once per month” to “6 or more times per day.” Questionnaire items about unprocessed red meat consumption included “beef, pork, or lamb as main dish” (pork was queried separately beginning in 1990), “hamburger,” and “beef, pork, or lamb as a sandwich or mixed dish.” … Processed red meat included “bacon” (2 slices, 13 g), “hot dogs” (one, 45 g), and “sausage, salami, bologna, and other processed red meats” (1 piece, 28 g). 
Dans chaque questionnaire nous avons demandé aux participants à quelle fréquence ils ont en moyenne consommé chaque aliment par portion standard. Il y a neuf réponses possibles, allant de "jamais ou moins d'une fois par semestre" jusque "six fois ou plus par jour".Les questions sur la consommation de viande incluent  le boeuf, le porc ou l'agneau comme plat principal (le porc était séparé avant 1990), le hamburger et le boeuf ou le porc dans un sandwich ou plat mixte. Les viandes transformées reprennent le bacon, les hot dogs, les saucisses, salamis et autres viandes transformées.
Vous aurez remarqué que dans la catégorie "viandes non transformés" se trouve le hamburger, l'aliment star des fast foods. Bien que cette étude suivait également la consommation de grains entiers, il n'y a aucun suivi de la consommation de graines et de farines raffinées, donc nous ne pouvons pas prendre en considération la consommation des pains autour des hamburgers. 
Ensuite la perle suivante:
The reproducibility and validity of these FFQs have been described in detail elsewhere. 
La reproductibilité et la validité de ces quesqionnaires a été décrite en détail autre part.
Toute personne vivant sur cette planète depuis un certain temps sait que s'attendre à ce que les gens soient honnètes à rapporter ce qu'ils consomment est similaire à ces publicités 'perdez 15kg en une semaine'. L'intention est mignonne, mais la réalité toute autre. Depuis que ce genre de questionnaire est utilisé, la plupart des chercheurs sincères ont mis en exergue leur plus grand défaut: les gens inscrivent ce qu'ils pensent qu'ils devraient manger, plutot que ce qui est réellement passé par leur gosier.  
Et d'autre part la plupart des gens ont oublié ce qu'ils ont mangé le jour précédent, alors leur demander ce qu'ils ont mangé il y a un mois ou un an est assez utopiste.
Les chercheurs plus consciencieux compareront les résultats de ces questionnaires avec un journal de bord diététique, ou il est demandé aux participants de noter méticuleusement ce qu'ils consomment pendant une ou deux semaines, afin de comparer les deux approches. Cela commence à devenir intéressant lorsqu'on lit ce qui suit:

Foods underestimated by the FFQs compared with the diet records (ie, the gold standard) included processed meats, eggs, butter, high-fat dairy products, mayonnaise and creamy salad dressings, refined grains, and sweets and desserts, whereas most of the vegetable and fruit groups, nuts, high-energy and low-energy drinks, and condiments were overestimated by the FFQs

Les aliments sous estimés dans les questionnaires par rapport au journal sont les viandes transformées, les oeufs, le beurre, les produits laitiers, mayonnaises et vinaigrettes, les sucreries et les desserts, alors que les fruits et légumes, noix, boissons énergisantes ou pas et les condiments sont surestimés.

Cela n'est pas si choquant si on considère la psychologie humaine. Nous sommes constamment innondés de messages nous disant que la viande, les graisses, les sucreries et les desserts nous ferront grossir ou provoqueront une crise cardiaque tandis que les fruits et légumes voguent sur un air de Sainteté. Il est assez logique que cela aura comme effet de biaiser nos réponses.Qui voudra admettre qu'il a préféré du pain blanc à la place de pain qui a un gout et une texture de sciure de bois. Les résultats seraient intéresants si l'on introduisait un polygraphe lors de la rédaction du questionnaire.

Une autre étude, faite en Australie a mésuré la manière dont les gens rapportent leur consommation sur un questionnaire, basé sur leur age, index de masse corporelle, consommation de suppléments,.. etc Cette étude a également comparé les données du questionnaire au journal
Le résultat est surprenant: les personnes souffrant d'un problème médical diagnostiqué - taux de cholesterol, triglicérides, diabète, tension arterielle, cancer, - sont plus susceptibles de mal rapporter leur consommation que les personnes sans problème médical, en effet ils surestiment leur consommation dans le questionnaire par rapport au journal.

Ce que cela signifie pour les études basées sur les questionnaires, études qui font la une des journaux, est que finalement, les résultats obtenus sont statistiquement plus probablement attribuables au hasard, car si les gens malades ont tendance -pour quelque raison que ce soit - d'indiquer qu'ils mangent plus que ce qu'ils ne consomment réellement, cela aura un impact profond sur toute manière de faire une corrélation entre la consommation d'un type d'aliment avec une pathologie spécifique.

Et la mortalité alors?
Ces chiffres jetés en pature aux médias sont des exemples classiques de facon de dramatiser des informations anodines en gros titres. Si le risque de décès lié à une pathologie spécifique est de disons 5%, l'augmentation du risque de 20% en fera un risque final de 6%. Cependant 20% imprimé en gros caractères  vendra plus de journaux...
Tant qu'aucune étude basée sur des données fiables ne soit réalisée, il est impossible de savoir avec certitude la vérité. Et souvenons nous que l'humainté a survécu pendant plusieurs millénaires sans études diététiques.

Le plus grand risque connu lié à la consommation de viande n'est pas du à la nature même de la viande, mais plutot à sa préparation. Il est bien connu qu'une viande cuite trop brutalement au barbecue contiendra une quantité non négligible d'amines hétérocycliques et de benzopyrènes, qui sont des familles de substances reconnues come cancérigènes par l'OMS. Et la viande hachée, y compris les hamburgers, sont un nid potentiel de bactéries pathogènes.

En conclusion

L'intention de l'étude est certes positive, mais je ne peux pas prendre au sérieux de telles conslusions hatives, surtout lorsqu'elles sont dramatisées et médiatisées à un tel point. Prenons comme habitude d'aiguiser notre esprit critique lorsque de telles informations sont présentées. Malgré les apparences les chasses aux sorcières et les procès d'intention sont toujours d'actualité dans notre civilisation.

Au fait, dans les conclusions de auteurs ils mentionnent 'protéines bonnes pour la santé'. Une telle déclaration est déjà un jugement, car il y a présupposition que certaines protéines sont "mauvaises".

Et suivez le conseil du regretté Mark Twain: Il y a trois types de mensonges: les mensonges, les foutus mensonges et les statistiques.








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